Chronique paimpolaise (1914-1918)
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Madame LARIVEN, directrice de l'École maternelle
et G. LARIVEN, instituteur-adjoint à Paimpol
à
Monsieur l'Inspecteur de l'Enseignement
Primaire à Saint-Brieuc
Copie des notes prises sur les principaux événements auxquels nous avons assisté dans notre commune pendant la guerre.
Sommaire |
1914
Samedi 1er août 1914 : Le matin on apprend que Jean Jaurès a été assassiné.
A 16h35, arrive l'ordre de mobilisation générale. Émotion intense. On court à la poste lire et copier la dépêche qui vient d'arriver. Course éperdue des automobiles et des bicyclettes montées par les gendarmes.
Des appels de clairon annoncent le grand événement .
A 20h30, grande manifestation. Plusieurs centaines de jeunes hommes, précédés de tambours, de clairons, de drapeaux tricolores, parcourent les rues de la ville en chantant la Marseillaise qui alterne avec le cri rythmé :
"C'est l'Alsace, l'Alsace, l'Alsace !
C'est l'Alsace qu'il nous faut!"
Dimanche 2 août : Départ des premiers mobilisés. Foule énorme à la gare. Émotion poignante.
Lundi 3 : Nouveaux départs. Grande affluence à la gare. Enthousiasme délirant. De tout jeunes gens veulent partir pour s'engager. Un commerçant de la ville voulant calmer l'ardeur patriotique de l'un de ses jeunes voisins, prononce des paroles imprudentes. Il est hué, conduit à la Mairie. Relâché après explication, il quitte le pays.
Sur les murs, affiches relatives à l'état de siège.
Tous les soirs, grande affluence près de la poste pour lire les dépêches officielles.
Lundi 24 août : Réouverture des écoles (L'école maternelle n'a pas cessé de fonctionner; une cantine pour tous les enfants nécessiteux s'y est ouverte dès le début des hostilités). Réouverture demandée par le Conseil Municipal se référant à une circulaire du Ministre de l'Instruction Publique complétée par un communiqué de Monsieur l'Inspecteur d'Académie.
Semaine du 6 au 13 septembre : Arrivée de nombreuses personnes évacuées des régions frontières. Elles sont accueillies par la population avec une généreuse sympathie.
Dimanche 13 septembre : Une dépêche officielle annonce la victoire de la Marne. A l'angoisse des semaines précédentes, causée par la rapide avance allemande, succède une réconfortante confiance.
Lundi 14 septembre : Réouverture régulière des écoles.
Semaine du 13 au 20 septembre : L'École maternelle, l'École d'Hydrographie, l'Hospice civil sont réquisitionnés pour y installer des formations sanitaires.
Mercredi 7 octobre : A 18h35, arrivée d'un convoi de 111 blessés de guerre annoncé depuis le matin. Nombreuse affluence à la gare. Réception chaleureuse. Les blessés semblent exténués de fatigue. Presque tous sont des territoriaux de 30 à 40 ans.
Mardi 20 octobre : Arrivée à la gare d'une quarantaine de prisonniers de guerre allemands qui se rendent à Kérity où ils vont être occupés aux travaux de la voie ferrée de Plouha à Paimpol. La foule, assez nombreuse, éprouve, à leur vue, des sentiments très variés.
Mardi 1er décembre : Obsèques d'un soldat blessé, décédé la veille. Une grande partie de la population y assiste. Les autorités, des délégations des élèves des écoles, des médaillés militaires suivent le cortège. C'est le premier des soldats hospitalisés décédé dans nos ambulances locales. Des discours sont prononcés par M. Armez, député, par M. le Maire de Paimpol, par le Président de la section des médaillés militaires du canton de Paimpol.
Dimanche 20 décembre 1914 : Journée belge.
1915
Dimanche 7 février 1915 : Journée du "75".
Vendredi 26 mars : Journée serbe.
Jeudi 27 mai : On pavoise en l'honneur de l'Italie qui vient de s'unir aux puissances alliées pour combattre les barbares.
Semaine du 6 au 13 juin : Funérailles d'un sergent blessé, décédé dans une de nos ambulances. Nombreuse assistance. Le conseil municipal en corps, les médaillés militaires, les blessés qui peuvent marcher, les fonctionnaires, les mères et les soeurs des soldats au front avaient tenu à participer à la cérémonie. Allocutions prononcées par M. le Maire de Paimpol, le Médecin-aide-major de l'Hôpital militaire et le Président des médaillés militaires de Paimpol.
Jeudi 10 juin : A Pléhédel, service funèbre à la mémoire de l'adjudant Fourmanger, instituteur à Plounez. Presque tout le personnel enseignant du canton y assiste. M. Le Varat, directeur de l'École de Plounez y prononce un émouvant discours .
Vendredi 27 août : Obsèques du soldat Jean Renaud (fils du Directeur de l'École d'Hydrographie), décédé à l'hôpital militaire de Vannes. Discours de M. le Maire et de M. le Orésident des Médaillés militaires.
Mardi 7 septembre : Manifestation patriotique. Les maisons et les navires dans le port sont pavoisés. Remise de la Croix de guerre au Médecin-aide-major de l'Hôpital complémentaire de Paimpol et au soldat Prudent, soigné à l'ambulance de l'École d'Hydrographie. Une foule nombreuse assiste à cette touchante cérémonie, la première de ce genre à Paimpol.
Dimanche 7 novembre : Remise de la Croix de guerre au sergent Ch. Le Mével de Paimpol, blessé et soigné à l'ambulance de l'École maternelle. La cérémonie a lieu dans la cour de l'école. Les conseillers municipaux, les médaillés militaires, les blessés des ambulances et un foule nombreuse y assistent. La remise de la croix, la lecture des citations sont faites par Monsieur le Capitaine des Douanes de Paimpol.
Dimanche 28 novembre : A l'hôpital militaire, remise de la croix de guerre :
1 - à M. Le Gouellec, Administrateur de l'Inscription maritime à Paimpol, père du lieutenant Le Gouellec, mort pour la France.
2 - à Mme Corfdir, veuve du sergent Corfdir du 8ème colonial, mort pour la France.
3 - à M. Jean Herpin, adjudant, 57ème bataillon de chasseurs, en traitement à l'hôpital auxiliaire 105 (École maternelle).
26 décembre : Journée des Poilus.
1916
24 février 1916 : On apprend la formidable attaque allemande sur Verdun. Une foule angoissée attend tous les soirs à la gare l'arrivée, par le dernier train, du journal "La Dépêche de Brest".
14 mai : Remise de la Croix de guerre à 3 militaires dont l'un, le matelot Jean Salliet est un enfant de Paimpol. La cérémonie a lieu sur la place du Martray au milieu d'une nombreuse assistance. La musique municipale, nouvellement reconstituée rehausse l'éclat de cette patriotique manifestation.
27 mai : Obsèques d'un blessé de guerre décédé à l'ambulance de l'École maternelle. Nombreuse assistance.
29 août : On pavoise en l'honneur de la Roumanie qui prend parti pour les nations de l'Entente.
Dimanche 3 septembre : Grande kermesse au profit des ambulances de la Croix Rouge paimpolaise. Fête très réussie.
Dimanche 5 décembre : Remise de la Croix de guerre à deux soldats des ambulances paimpolaises.
31 décembre 1916 : Remise de décorations avec le cérémonial accoutumé à deux soldats des ambulances et à la famille Auffret de Paimpol dont deux fils sont morts pour la France.
1917
15 janvier 1917 : Fermeture de l'ambulance de l'École maternelle.
7, 8 et 9 avril : Pavoisement général pour fêter l'intervention des États-Unis.
Jeudi 20 septembre : A Plourivo, obsèques de M. Armez, député des Côtes-du-Nord, Conseiller général du canton de Paimpol. Assistance nombreuse. Discours de M. le Maire de Paimpol, du Président des médaillés militaires, de M. Le Troadec, député des Côtes-du-Nord, de M. Le Rolland, Conseiller général, de M. le Préfet des Côtes-du-Nord.
1918
Mars, avril, mai, juin : Par suite du bombardement de Paris par avions et canon à longue portée et pour soustraire les écoliers aux dangers de ce bombardement, des Oeuvres de bienfaisance parisiennes dirigent les enfants sur la province. Des familles paimpolaises en reçoivent quelques-uns. Ces petits réfugiés viennent augmenter notre effectif scolaire. Nos élèves leur font le meilleur accueil.
Août : Le pain se fait rare. On fait queue à la porte des boulangeries pendant de longues heures. Les bonnes nouvelles du front laissent entrevoir que cette crise du pain n'aura pas une trop longue durée.
Jeudi 6 novembre : A l'heureuse nouvelle de l'acceptation de l'armistice par l'Allemagne, de joyeuses manifestations se sont produites spontanément et jusqu'à une heure avancée de la nuit. de nombreuses personnes y prenaient part.
Lundi 11 novembre : A midi, la nouvelle officielle de la signature de l'armistice se propage de tous côtés et dès lors, la ville présente une animation inaccoutumée. Quelques heurs après les édifices publics et les maisons particulières étaient superbement pavoisés et enguirlandés. Le laurier, symbole de gloire et de victoire y tenait surtout sa place.
Des groupes de jeunes gens, munis de drapeaux, parcouraient les rues en chantant. Un grand nombre de paimpolais et d'habitants des communes voisines se promenaient endimanchés.
Le soir, illumination générale et retraite aux flambeaux précédée de la musique et suivie d'une très grande foule composée de paimpolais et d'un grand nombre d'habitants des communes voisines. Les coeurs comprimés par l'angoisse depuis plus de quatre ans s'ouvrent largement à la joie et à l'enthousiasme patriotique.
Paimpol, le 17 juillet 1919
G. Lariven
C. Lariven
Sources
- Archives départementales 22 , Cote 1 T 402 = Notices communales sur la guerre 1914-1918, 1919
--Jylaigre (discussion) 19 janvier 2014 à 11:08 (CET)
