Chronique de Moncontour (1914-1918)

De Les Côtes-d'Armor dans la Grande Guerre

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Moncontour pendant la guerre 14-18

En juillet 1914, le retour précipité de Russie du Président de la République faisait présager des complications internationales extrêmement graves.

Le 1er août, à Moncontour, on connaît l'ordre de mobilisation générale. Les cloches l'annoncent, celles des communes avoisinantes se mêlent aux nôtres.
Le moment est solennel.

La nouvelle est connue avec calme mais aussi avec un grand patriotisme. Le soir il y eut retraite et tous les partis se confondirent et marchèrent la main dans la main.

Devant le danger, l'union fut complète. On chanta la Marseillaise tête nue; le clergé était présent.

Dès le lendemain, 2 août, le départ des mobilisés commença avec beaucoup de méthode et un grand esprit patriotique présida aux départs successifs.

Il y eut des scènes bien poignantes, bien des femmes se montrèrent vraiment courageuses; toutefois des vides effrayants s'étaient creusés et hélas plus d'un ne s'est jamais comblé.

Nous voilà à la fin d'août, la mobilisation s'est faite avec beaucoup d'ordre, puis commencent les réquisitions des chevaux et voitures. C'étaient des spectacles impressionnants que ces longues files de charrettes de toute nature, ces nombreux chevaux pris par l'autorité militaire.
J'ai vu plus d'une fois, ici, des fermiers embrasser leurs juments avant de s'en séparer.
Comme tout était largement payé, il y eu peu de réclamations.
Trop de fois la réquisition s'est faite sans discernement : des juments pleines furent prises malgré l'avis des cultivateurs; elles étaient toutes dirigées vers Fougères sans soins, sans précautions; aussi beaucoup crevèrent en cours de route.

A ce moment des blessés commencent à arriver : leurs récits se contredisent. Mais on bavarde beaucoup : on a dû être battus en Belgique, les uns l'affirment, les autres le démentent.

Les nouvelles un moment sont fantastiques, on voit des espions partout; un dentiste de St-Brieuc, dit-on, sera fusillé demain. Des curieux de Moncontour partent pour voir l'exécution. Avant d'arriver à St-Brieuc, ils apprennent que la nouvelle est fausse; ils s'en reviennent penauds.

Cependant une partie de la population est émue : les femmes restées seules avec leurs enfants ont peur.

On crée sous la direction de M. CHAMBRUN, pharmacien, une garde civique composée de seize mebres dont voici les noms : MM. CHAMBRUN, JOLY, RONDEL, LENOIR, GALLAND, CLÉMENT, POULIZAC, GALLAIS, DUPRÉ, HOFFRAY, PETITJEAN, CHEVALIER, ROBIN, VIGNOLE, BELAZAL, MAURICE.

Pendant un an environ, ils montèrent la garde toutes les nuits.

La peur disparut petit à petit, on s'acclimata aux dures nécessités de la guerre et on reconnut l'inutilité de la garde civique qui fut licenciée.

Le Maire, mobilisé, est remplacé par son adjoint M. BEDEL pendant toute la durée de la guerre.

L'horaire des trains, faute de personnel, est bouleversé; le prix des denrées, sans raison plausible, devient excessif :
- Le beurre monte à 5 et 6 F la livre;
- Le cidre à plus de 200 f la barrique;
- les eufs à plus de 5 F la douzaine.
Les étoffes, la chaussure etc. etc. deviennent aussi chères, proportionnellement, que les denrées. On taxe ces marchandises; ce n'est pas le vrai remède, ce n'est qu'un pis-aller.
Ces prix excessifs amènent forcément des privations.
Le gouvernement, devant cette misère, accorde largement des allocations qui sont bien reçues : elles font supporter la souffrance et patienter.

Pendant de longs mois la ville reste sans médecin et les gens se voient obligés de recourir à Lamballe (16 km) ou à Plouguenast (10 km) pour avoir des soins médicaux.
Ici on compte 36 tués à l'ennemi, 20 disparus et plus 50 blessés plus ou moins grièvement.

Il y a des citations des plus élogieuses, entre autres celles du facteur LANNEAU, de PHILIPPE, de MENGUY etc. etc.

Pendant la guerre, toujours ici, bien des personnes ont souffert de privations; par contre, le commerçant s'est largement enrichi.
On cite une bouchère, dont le mari était mobilisé, qui vendait plus de 1000 livres de viande par semaine en gagnant au mois 1F par livre. Elle faisait quelques expéditions de viande sur Paris.
Beaucoup de commerçants semblent avoir manqué de scrupules.
J'en dis autant des cultivateurs de Moncontour et des environs qui demandent sans pudeur des prix fantastiques de leurs produits.

Pendant 15 mois environ il y eut une ambulance chez les Dames de St-Thomas de Villeneuve. Elle fut licenciée faute de discipline et de médecin, m'affirme-t-on.

Quant aux instituteurs laïques, ils ont été de toutes les oeuvres de bienfaisance, malgré mes 60 ans passés, j'ai été pompier pendant la guerre et j'ai fait la manoeuvre comme les camarades.
J'ai également été garçon d'écurie pendant quelques mois. Mon voisin M. ROPSEN, négociant, laissant sa dame seule, me pria d'avoir soin de ses chevaux pendant quelque temps; jamais je n'avais approché de chevaux de si près.
Pendant cette guerre, presque tout le monde fit son possible à Moncontour et la criminalité n'augmenta pas.

Signé : L'instituteur
BOURRAY (ou plutôt BOURIAU)
le 4 septembre 1919

En marge :
A l'armistice les partis politiques, restés unis, banquetèrent ensemble après une émouvante procession au cimetière où trois discours d'un patriotisme enflammé furent prononcés. Toute la population s'y était donné rendez-vous.( le 14 juillet).

Nota : Un certain nombre de patronymes cités n'ont pas été trouvés dans le recensement de 1906 de la commune de Moncontour, il n'ont donc pas été vérifiés..

Sources


--Jylaigre (discussion) 10 janvier 2014 à 11:38 (CET)

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